Technologies de l'Information et de la Communication appliquées aux bibliothèques
Etudes et conseil, Formation, Travaux à Façons
Site de Jacques Kergomard, biblioticien autoproclamé
Les réactions à l’article de Bertrand Calenge, « pourquoi les catalogues ne peuvent pas être 2.0 » montrent souvent un certain embarras. Si les gens sont en général d’accord avec la thèse, ils ne peuvent pas s’empêcher de défendre le web participatif, alors que ce n’est que la volonté de mettre du 2.0 partout qui est mise en cause.
Il est en général difficile de trouver une définition précise du web 2.0, mais toutes mettent l’individu au centre d’un réseau ou d’une communauté, individu qui ne serait plus un simple consommateur, mais deviendrait acteur de la toile. Le concept est plus facile à appréhender en partant des outils utilisés : réseaux sociaux, wiki, blogs, marque-pages collectifs (social bookmarking), commentaires et autres forums. Tout ceci est suffisamment vague pour qu’un même mot soit utilisé pour des approches différentes.
Pour ma part, dans la nébuleuse du 2.0, je distingue deux familles :
La première ne s’appuie pas sur des réseaux sociaux préexistants, mais cherche à donner à l’internaute le sentiment d’appartenir à un groupe dans le but d’accroître ou de fidéliser un public. Les outils du web 2.0 sont le miel qui attire les abeilles, ici le consommateur. L’internaute peut noter des produits, donner son avis, réagir à des articles. Tout est fait pour lui laisser l’illusion qu’il est un acteur, membre d’une communauté de privilégiés ou de connaisseurs, alors qu’il n’a aucune influence sur le contenu, mais se contente de réagir. Le seul objectif est d’accroître l’audience et la fréquentation, le Graal de l’Internet marchand.
Tout autre est l’approche qui met les outils du web 2.0 au service d’un projet ou d’un réseau. Pour Wikipedia, première réalisation de grande ampleur, l’objectif est de constituer une encyclopédie et le wiki n’en est que le moyen. Le réseau s’est constitué autour du projet. Il en est de même quand des développeurs se regroupent pour construire un logiciel libre. Le fonctionnement collaboratif permet aux membres de la communauté de garder collectivement l'entière maîtrise du projet.
Dans un réseau social, il peut s'agir simplement d'un partage d'intérêts communs. Le web 2.0 favorise alors les échanges et le partage d’informations.
Quand le réseau est étendu et informel, le succès n’est assuré que s'il y a une « avant garde » de passionnés qui animent la toile et sont les principaux contributeurs. C’est l’exemple des bibliobsédés qui combinent blogs, outils de veille partagée (bouillon des bibliobsédés et son nectar), agenda participatif et bien d’autres choses encore.
Dans les bibliothèques, le travail en réseau devient de plus en plus la règle. On s’approche alors du mode de fonctionnement des réseaux sociaux d’entreprise, pardon monsieur Bibliobsession, de réseaux sociaux d’organisation. Ces réseaux sociaux professionnels internes, structurés autour de plates-formes collaboratives, recentrent les processus de travail autour des individus et des relations qu’ils entretiennent. Cette approche permet d’accroître l’efficacité et la créativité de l'organisme en favorisant l’émergence et le brassage des idées, et le travail en équipe. Les bibliothèques, en tout cas les réseaux de taille importante, auraient tout à gagner à utiliser de tels outils. Alors à quand des SIGB 2.0 ?
Les bibliothèques départementales ont un fonctionnement particulier. Le réseau interne de la BDP est au cœur d’un réseau départemental regroupant les autres établissements et les professionnels d’un département. C’est une configuration idéale pour le web 2.0, on combine un réseau préexistant et un projet, la lecture publique dans un département et une équipe dont la mission est l’animation du réseau. C’est fort de cette conviction que j’ai proposé l’année dernière à la Direction Départementale du Livre et de la Lecture de l’Hérault le développement d’une maquette de portail collaboratif départemental, DDLL 2.0, Rien n’a bougé depuis, mais je ne crois pas pour autant qu’il faille remettre le concept en cause. Le projet n’était pas celui de la DDLL ou du réseau, mais le mien. Le fonctionnement collaboratif ne peut fonctionner que s’il est porté par une communauté, ce qui n’était pas le cas ici. L’équipe, centrée sur son quotidien, est restée totalement extérieure et les professionnels et bénévoles des autres établissement n’ont même pas été informés de l’expérience. Un tel portail ne peut fonctionner que sur le principe de l'échange. Les BDP ont de plus en plus une mission d’expertise et de conseil conçue pour apporter, mais pas pour recevoir.
Pour que le web 2.0 ne se résume pas à une simple technique marketing, il faut donc plusieurs facteurs, un projet partagé, une équipe de passionnés au cœur d’un réseau social, mais aussi une remise en cause des pouvoirs établis. Un vrai catalogue 2.0 permettrait aux usagers de choisir les collections, donc d’influer sur la politique documentaire, ce qui n’est pas le rôle d’un catalogue qui n’en est que le reflet.